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L'hypothèque légale de la construction

Par Lanctot Avocats

Par Frédérique Cartier-Côté et Me Maude Duquette

Qu’est-ce que l’hypothèque légale de la construction ?

L’hypothèque légale de la construction est un mécanisme qui permet de garantir les créances des constructeurs et/ou rénovateurs qui découlent des travaux qu’ils effectuent sur un immeuble[1].

En d’autres mots, ce type d’hypothèque permet aux personnes ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble de garantir les sommes qui leur sont dues pour les travaux effectués. 

Il s’agit d’un droit réel sur l’immeuble, lequel confère au créancier le droit de suivre le bien, de le prendre en paiement ou de le faire vendre sous contrôle de justice. L’exercice du droit hypothécaire est accessoire à l’obligation principale, soit les travaux à effectuer sur l’immeuble en question.

Finalement, le régime de l’hypothèque légale de la construction est un régime de droit strict, nécessitant une interprétation restrictive.

Qui peut en bénéficier ? Et pour quels travaux ?

Le Code civil du Québec prévoit spécifiquement les bénéficiaires de l’hypothèque légale de la construction : elle n’est acquise qu’en faveur des architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux, ouvriers, entrepreneurs ou sous-entrepreneurs ayant participé aux travaux de construction ou de rénovation[2].

Les travaux de construction ou de rénovation qui donnent droit à ce type d’hypothèque doivent fournir une plus-value réelle et appréciable à l’immeuble[3], impliquant une augmentation de la valeur marchande de l’immeuble. Également, seuls les travaux qui ont été commandés par le propriétaire de l’immeuble peuvent donner droit à ce type d’hypothèque.

Délais et modalités ?

D’abord, dans les cas où un bénéficiaire n’aurait pas contracté directement avec le propriétaire, ce dernier devra obligatoirement procéder à une dénonciation du contrat par écrit au propriétaire de l’immeuble.[4] Cette dénonciation doit être faite le plus tôt possible, puisque l’hypothèque légale de la construction est limitée aux travaux qui ont été effectués après la transmission de l’avis de dénonciation.

Ensuite, une fois les travaux de construction ou de rénovation terminés, le bénéficiaire qui souhaite conserver l’hypothèque doit publier un avis au registre foncier dans les 30 jours qui suivent et le signifier au propriétaire.[5] En effet, la publication d’un avis est une formalité essentielle pour rendre l’hypothèque légale de la construction opposable aux tiers. L’avis doit désigner l’immeuble grevé ainsi que le montant de la créance.[6]

La notion de « fin des travaux » a fait couler beaucoup d’encre dans la jurisprudence au cours des dernières années. Les tribunaux nous ont enseigné que la date de la fin des travaux doit s’apprécier de manière objective où chaque cas s’avère un cas d’espèce.

Un jugement rendu par la Cour supérieure en 2016 est venu spécifier que, parfois, la date de la fin des travaux n’est pas nécessairement celle de la réception de l’ouvrage par le propriétaire. Bien que ce dernier puisse avoir déjà emménagé dans sa demeure, il se peut que certains travaux restent à être accomplis selon les modalités du contrat de service.[7]

Finalement, l’inscription d’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire sera également nécessaire, et ce, dans les 6 mois suivant la fin des travaux.[8] Ce préavis vient informer le propriétaire de l’intention du détenteur de l’hypothèque de se prévaloir de sa garantie. À l’expiration de ce délai, la sureté n’existe plus, mais la créance demeure.

Spécificités de l’hypothèque légale de la construction

Il s’agit d’une hypothèque de rang privilégiée, à la condition que les délais de publication soient respectés. Ainsi, le créancier titulaire d’une hypothèque légale de la construction se situe au premier rang des créanciers garanties, même il peut se trouver en concurrence s’il y a d’autres titulaires d’une telle hypothèque.[9]

Dans la décision Knot c. Pasquin, St-Jean et Associés inc. rendue par la Cour d’appel en 2020, les juges réitèrent que l’hypothèque légale de la construction garantit seulement pour la plus-value conférée à l’immeuble par les travaux et ne peut donc recouvrir les intérêts et/ou l’indemnité additionnelle. Dès lors, la garantie peut s’avérer inférieure à la valeur de la créance. Les créanciers ayant un solde non garanti restant deviennent des créanciers chirographaires pour cette somme.[10]


Références

[1] C.c.Q. art. 2724 (2)

[2] art. 2724 (2) C.c.Q.

[3] art. 2726. C.c.Q .

[4] art. 2726 C.c.Q. annoté

[5] art. 2728 C.c.Q.

[6] art. 2727 al.1 [1] et art. 2727al.2 C.c.Q.

[7] Consortium GAS c. Hôpital general du Lakeshore, 2016 QCCS 4547

[8] art. 2727, al.3 C.c.Q.

[9] art. 2952 C.c.Q.

[10] Knot c. Pasquin, St-Jean et Associés inc., 2020 QCCA 612