Me Véronique Guertin
En plus des exigences relatives à la formation prévue dans la réglementation, plusieurs ordres professionnels imposent la réussite d’un examen aux candidats à l’exercice de la profession ou à l’obtention d’un certificat de spécialiste avant de leur délivrer un permis ou un certificat de spécialiste. Lorsque c’est le cas, les ordres professionnels ont des obligations à l’endroit de ces personnes en lien avec l’administration des évaluations. Voici un survol de celles-ci.
Les modalités relatives à l’administration des évaluations seront généralement énoncées dans le règlement sur les conditions et modalités de délivrance des permis, le règlement sur les normes d’équivalence aux fins de la délivrance du permis ou le règlement sur les spécialités de l’ordre professionnel concerné. Le règlement prévoira le nombre et le type d’évaluations requises afin d’évaluer les compétences pertinentes. En lien avec la candidature d’une personne qui doit se soumettre à une telle évaluation, l’ordre professionnel doit communiquer à cette dernière les compétences qui feront l’objet de l’évaluation à l’avance afin qu’elle puisse se préparer en conséquence.
L’évaluation administrée aux candidats à l’exercice de la profession ou à l’obtention d’un certificat de spécialiste peut prendre diverses formes : elle peut être écrite, orale ou pratique. Lorsque l’évaluation est orale ou pratique, il incombe à l’ordre professionnel de prendre les moyens nécessaires afin de documenter les réponses ou comportements du candidat. Cela peut être fait par le biais d’un enregistrement par un moyen technologique ou par la transcription des réponses obtenues par une personne chargée de cette tâche, l’important étant que le déroulement de l’examen soit bien documenté et qu’il soit possible d’assurer que la performance est appréciée avec objectivité et transparence[1]. Cette étape est notamment nécessaire afin de préserver le droit du candidat ayant échoué à une épreuve de se prévaloir des mécanismes de révision, le cas échéant. L’examen écrit ne cause pas de problème à ce niveau puisque le document fera foi des réponses fournies par le candidat.
Les épreuves doivent par la suite être corrigées ou évaluées par un correcteur ou un comité de correction et les résultats doivent être envoyés aux candidats, accompagnés de la note de passage[2]. La documentation doit également mentionner le droit du candidat de se prévaloir d’une révision, le cas échéant, et les modalités à respecter pour pouvoir en bénéficier[3].
La question se pose ensuite de savoir si les candidats ayant échoué à une évaluation ont le droit de consulter leur épreuve ou le compte-rendu de cette dernière et la grille de correction. Nous sommes d’avis qu’un ordre professionnel doit mettre en place un processus permettant une telle consultation en raison de son obligation de respecter l’équité procédurale. Le processus d’évaluation doit en effet être objectif et transparent et donner la chance au candidat de comprendre les motifs pour lesquels il a échoué afin de lui permettre de mieux se préparer pour une évaluation subséquente et ainsi pouvoir acquérir les compétences manquantes[4]. Cette position est compatible avec celle retenue par le Commissaire à l’admission aux professions[5] et par la jurisprudence. En effet, dans l’affaire Barreau du Québec c. Khan[6], la Cour d’appel du Québec a jugé que le fait pour l’École du Barreau de permettre aux candidats de consulter leur questionnaire d’examen, leur cahier‑réponses, la grille de correction et le solutionnaire était adéquat afin de remplir l’obligation de l’ordre professionnel de satisfaire à son obligation de respecter les règles de justice naturelle ou d’équité procédurale[7]. L’ordre professionnel devait néanmoins permettre à un candidat de prendre des notes durant la consultation, ce que la candidate n’avait pas pu faire dans le cadre de ce dossier. La Cour d’appel du Québec reprenait à cet effet les propos de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Baker[8], dans laquelle la juge l’Heureux-Dubé faisait mention du fait que plus la décision du décideur est importante pour la vie des personnes visées, plus les protections procédurales requises doivent être rigoureuses et permettre la transparence du processus. Comme l’admission à une profession ou l’obtention d’un certificat de spécialiste est une décision importante dans la vie d’un candidat, le processus doit être rigoureux. Dans l’affaire Khan, la Cour d’appel du Québec mentionnait par ailleurs que les obligations de l’ordre professionnel n’allaient pas jusqu’à devoir remettre copie des évaluations aux candidats. À cet effet, le tribunal jugeait que la préoccupation de l’ordre professionnel de vouloir administrer plusieurs fois une même épreuve était une préoccupation légitime qui justifiait un refus à une demande d’accès à l’information.
Est-ce qu’un ordre professionnel doit obligatoirement mettre en place un processus de révision des évaluations? Si un tel recours est prévu dans le règlement sur les conditions et modalités de délivrance des permis, le règlement sur les normes d’équivalence aux fins de la délivrance du permis ou le règlement sur les spécialités, l’ordre professionnel doit y donner suite si le candidat respecte les modalités qui y sont précisées (le paiement des frais ou le respect des délais pour la présentation de la demande, par exemple). L’ordre professionnel n’a toutefois aucune obligation de procéder à une révision si la réglementation ne le prévoit pas. Nous notons à ce propos que le Commissaire à l’admission aux professions recommandait récemment à un ordre professionnel d’incorporer un tel processus de révision des résultats de l’examen professionnel d’admission dans son règlement sur l’admission à la profession[9], bien qu’aucune loi ne l’exige à proprement parler. Une telle approche est néanmoins cohérente avec les obligations du conseil d’administration de s’assurer « de l’équité, de l’objectivité, de l’impartialité, de la transparence, de l’efficacité et de la célérité des processus relatifs à l’admission adoptés par l’ordre »[10].
Soulignons en terminant que l’ordre professionnel a l’obligation de conserver les épreuves ou les comptes-rendus des évaluations des candidats afin de leur permettre, le cas échéant, de se prévaloir de leurs droits et recours. À ce sujet, le Commissaire à l’admission aux professions recommande aux ordres professionnels de conserver les épreuves durant cinq ans[11].
- [1] Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5103-18-001 (11 juin 2019), à la p 16, en ligne (pdf). Voir aussi Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5107-19-001 (31 janvier 2020), à la p 8, en ligne (pdf), et Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5105-18-001 (11 septembre 2019), à la p 17, en ligne (pdf).
- [2] Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5105-18-001 (11 septembre 2019), à la p 17, en ligne (pdf).
- [3] Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5103-18-001 (11 juin 2019), à la p 16, en ligne (pdf).
- [4] Il est utile de noter à ce propos que l’article 62.0.1 du Code des professions impose l’obligation au conseil d’administration d’un professionnel de s’assurer que les procédures en place « facilitent l’admission à une profession, notamment pour les personnes formées hors du Québec ».
- [5] Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5107-19-001 (31 janvier 2020), à la p 12, en ligne (pdf).
- [6] Barreau du Québec c Khan, 2011 QCCA 792.
- [7] Cette position est par ailleurs conforme à la position adoptée par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Ordre des infirmières et infirmiers du Québec c Ngoya Tupemunyi, 2013 QCCA 134, où une infirmière demandait l’accès à un examen subi dans le cadre d’une inspection particulière. Les mêmes principes s’appliquent.
- [8] Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817.
- [9] Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5103-18-001 (11 juin 2019), à la p 16, en ligne (pdf).
- [10] Code des professions, RLRQ, chapitre C-26, art 62.0.1 para 7.
- [11] Québec, Office des professions du Québec, Commissaire à l’admission aux professions, « Rapport d’examen de plainte », n° 5105-18-001 (11 septembre 2019), à la p 17, en ligne (pdf).